Le féminin et le masculin

Voici pourquoi, personnellement, je préfère limiter le sens des mots « féminin » et « masculin » aux domaines de la biologie et de la grammaire.

Nous sommes des femmes et des hommes ou quelque chose entre les deux (ou ni l’une ni l’autre) ; nous sommes différents. Wow !  C’est cool !  Vraiment !!  — Mais pourquoi à ce point vouloir théoriser sur ce qu’est une femme et ce qu’est son « énergie » fondamentale, et sur ce qu’est un homme et ce qu’est son « énergie » fonda­mentale ?

D’abord, qu’est-ce qu’une « énergie féminine », dites-moi ? — Qu’est-ce qu’une « énergie masculine » ?

Il me semble que toutes les femmes sont différentes, que tous les hommes sont différents, et ce, d’instant en instant — et que le grand Cric me croque si j’aborde une personne avec des idées toutes faites sur sa nature pro­fonde !

Je préfère, et de loin !, découvrir ce qu’est la personne à travers ses actions et à travers mon senti, sans la regar­der à travers un filtre théorique qui vient teinter ma vision d’avance.

Il y a tellement de gens qui se conforment à des stéréo­types sur notre planète !  Comprenez-vous ce que cela veut dire ?  Combien d’âmes se conforment à des condi­tionnements, ou, encore pire, se sentent inadéquates du fait qu’elles n’arrivent pas à s’y conformer ?  Com­bien se sentent ainsi à l’étroit, voire incomplètes ?

Bon, vous me direz que ce n’est pas ce qu’on entend par « énergie masculine » et « énergie féminine », qu’on porte tous et toutes chacune des deux en soi. Mais, alors, pourquoi les appeler « féminine » et « mascu­line » ?  Ne souligne-t-on pas et n’aggrave-t-on pas les stéréotypes en faisant cela ?  Ne nous programmons-nous pas encore davantage ?  Ce ne sont que des mots, me direz-vous, mais les mots ont une portée insidieuse en nous ; ils agissent comme des clés et des serrures menant, selon le choix qu’on fait de leur usage, à des pièces bien différentes en « nous » — et je mets le « nous » entre guillemets par exprès.

Pourquoi alors utiliser les mots de « féminin » et de « masculin » avec tant d’insistance ?  Est-ce parce que cela nous rassure de nous identifier « en tant qu’homme » et « en tant que femme » à de prétendues « énergies », ou qualités (ou simplement des attitudes) bien distinctes qui, pour ainsi dire, nous donnent un fondement, une assise ?  A-t-on vraiment besoin de ça ?  Ne « devrions »-nous pas plutôt profiter à plein de ce que nous sommes en tant qu’humains — des êtres capables d’autodétermination ! — afin de nous laisser être tels que nous nous sentons de l’intérieur, sans désor­mais nous conformer à quelque stéréotype, à quelque programme que ce soit — ni les propager ?

Il y a d’ailleurs beaucoup d’autres mots pour désigner les types d’énergies, les types d’être ; par exemple : réceptivité, sensibilité, sentiment, compassion, pondé­ration, douceur, compréhension, conséquence, intelli­gence, responsabilité, organisation, action, force, affir­mation, et j’en passe et des meilleurs. Voudriez-vous dire que certaines de ces qualités sont catégoriquement féminines et d’autres masculines ?  Moi non plus.

« Masculin », « féminin », ces mots ont un sens en bio­logie et en grammaire (en biologie, en tous les cas), mais en ont-ils un quand on veut parler de la grande distinction entre l’Être et l’Agir ?  La Réception et l’Émission ?  Les larmes et la guerre ?

Les Chinois de l’Antiquité ont regroupé ces paires de dualités sous les deux grandes catégories de Yin et de Yang (que j’aime traduire par Être et Agir). Ces mots chinois ont l’avantage de ne pas nous ramener constamment à notre condition biologique et aussi d’être valables universellement : Yin et Yang se sont frayé un passage dans pas mal tous les dictionnaires. En plus, ils soulignent une distinction dont a bien besoin l’humani­té, je pense, dont la tendance à travers les siècles a été d’agir impulsivement sans être bien assise dans l’être, d’intervenir tous azimuts, de confondre ses désirs et sa volonté, de réagir souvent sans réfléchir, et de vouloir, vouloir et vouloir, sans même prendre conscience du moment présent et de son infinie richesse. Les daoïstes nous enseignent à Être avant que d’Agir.

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Que signifient alors les mots de « féminin » et de « mas­culin » ?

Personnellement, je ne vois pas le féminin et le mascu­lin comme les deux pôles uniques de quelque axe uni­versel, mais plutôt comme deux variétés biologiques, ma foi vraiment fort intéressantes.

Après tout, si l’Évolution avait été différente, il aurait pu n’y avoir qu’un seul sexe (c’est-à-dire aucun, puisque c’est la comparaison qui entraîne le concept de sexe), trois, quatre, cinq, ou n’importe quel nombre. Il aurait peut-être fallu d’abord aspirer des proto-sper­matozoïdes d’un individu avec une trompe, les laisser maturer en soi, se les laisser aspirer par la trompe d’un autre individu, et ce, jusqu’à ce que le cycle soit enfin complété. Nous aurions probablement alors inventé des théories sur les zéro, trois, quatre, cinq énergies bien différentes pour nous « rassurer » dans nos étranges conditions . . .

Oui, il y a des tendances statistiques, peut-être, mais . . . come on !

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Remarquez tout de même, les aminches, que je ne parle, ici, que de l’emploi des mots de « masculin » et de « féminin ». Je parle des mots, et pas de ces belles éner­gies qui partent de nous, arrivent à nous et traversent même le linge et les distances. Vivent ces énergies, ce sont des énergies de vie !  Lais­sons-les couler et fuser en abondance !  Et vivent la peau et nos sens qui les canalisent si bien !  Seulement, n’en devenons pas les es­claves, unissons-nous tout en res­tant libres (ce sont d’ailleurs là les seules possibles unions véritables) — et ne devenons pas esclaves non plus des idées que nous nous faisons : mettons-les de côté et permettons aux di­verses réalités d’être ce qu’elles sont, de faire ce qu’elles font . . .

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