Outils pour une ère communicationnelle

Image : Moebius

Dernière mise-à-jour : 26 octobre 2023

En avez-vous assez de cette foire d’empoigne qui, sur les médias sociaux et sur la Toile en général, enfle aujourd’hui comme tsunami, où chaque donnée est douteuse et à vérifier et à contre-vérifier, où certaines données ne sont même pas regardées par certains, sous le prétexte qu’elles seraient anecdotiques, hâtivement rejetées par ceux des fact-tchèqueurs qui sont relayés — très sélectivement — par les médias de masse, ou alors tout bêtement parce qu’elles viendraient de sources affiliées au « mauvais » bout du spectre politique et pour cela automatiquement discréditées ?  Une foire où les données brandies et répétées comme catéchisme par les médias de masse proviennent de sources pour le moins douteuses et non moins centralisées ?  Où une élite s’enrichit en temps de crise pendant que le reste y goûte — et que les plus atteints par la propagande galopante en redemandent ?

De la science, on en veut. Mais une centralisation s’est installée aujourd’hui qui nuit à la science, une centralisation de pouvoir et non de savoir. Quand on refuse de débattre, quand on ment, quand le ver est dans la pomme, quand la rétroaction nécessaire au savoir est refoulée par le vent du pouvoir qui seul anime la roue, quand nous ne sommes plus maîtres des outils qui devaient pourtant fidèlement nous servir, quand le centre du pouvoir s’immisce dans chaque sphère de nos vies et réduit à bétail l’humain et à errement son potentiel — ce n’est plus de la science.

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Bon, nos médias nous servent mal, mais pouvons-nous nous passer d’organes de communication ?  Notre science elle-même est sourde et se totalitarise, mais pouvons-nous nous passer de science ?

Non, bien sûr que non.

D’abord, la réalité ne se résume pas à des « faits » — toujours, avez-vous remarqué ?, établis par des autorités, qui peuvent, par cette prérogative, aisément les manipuler. Non, la réalité est constituée d’une myriade de points de vue — et nous devrions pouvoir les « entendre » tous afin de ne pas obtenir, dès le départ, une vision biaisée de la réalité.

Sauf qu’il y a aujourd’hui un format réducteur de réalité qui s’est installé qui n’est guère favorable aux échanges et au débat. On cancèle allègrement, on dénigre gratuitement, on n’a d’arguments que d’autorité ou pour refuser le débat — et on se conforme à l’avenant !  Nos médias sociaux actuels sont mieux que rien, certains débats y ont tout de même lieu et nous nous y comportons comme les neurones d’un vaste cerveau planétaire dans les limites qui nous sont imparties au sein du spectaculaire flot d’information. Mais il nous faut mieux.

Ce qu’il nous faut, c’est un média social fiable, horizontal, qui conserve les données, permette de les mettre en relation intelligente et permette aussi les annotations, qui facilite les débats, qui puisse exister en-dehors du substrat informatique et indépendamment de lui et, surtout, qui ne nous efface pas quand on ne marche pas dans le sens des flèches ; un outil universel de communication, une plateforme inclusive et impartiale — un réseau de telles plateformes et outils ; un réseau universel où ne soient pas d’office balayés du revers de la main la demande de se faire entendre, de débattre, de questionner — ou, par exemple fort actuel, tout rapport citoyen que l’on pourrait vouloir faire homologuer à propos de notre état de santé suivant la prise d’un produit encore expérimental.

Qu’est-ce qui nous nuit, présentement ?  Est-ce la science ?  Est-ce la communication ???  Non, bien sûr, mais les mauvais usages qui en sont faits par des pouvoirs élitistes et autoritaires. Une communication à sens unique est une bouffonnerie, en regard du potentiel réel de la communication. Et une science sans réelle communication n’est pas une science — mais une secte.

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L’universalité a été si souvent si mal utilisée, qu’elle est peu à peu devenue, pour beaucoup — et avec raison, hélas ! —, synonyme de contrôle élitiste et de bureaucratie — utilisation totalitaire qui réunit au bas d’un nouvel axe les prétendus « extrêmes » de l’axe gauche-droite. Que reste-t-il, qu’est-ce qui surnage lorsqu’on a identifié et remis à sa place ce qui, indigne affront à notre potentiel, nous rendait moins humain ?  L’humain, bien entendu. L’humain est là où co-existent l’individuel, le collectif et l’universel.

Un réel universel ne peut être unilatéral puisque, ainsi constitué, un simple dialogue le dépasserait en universalité.

La communication doit être ouverte, multilatérale, parcourable, et la seule chose qui doit y être universelle en est l’accès. Nous avons besoin d’un outil commun, d’un moyen pour bien nous communiquer, d’un protocole de base pour se communiquer non seulement nos conversations, mais aussi nos offres, besoins, intérêts, disponibilités, itinéraires, rendez-vous, capacité de transporter, circuits, idées, définitions, questions et réponses — bref, nous avons besoin d’une plateforme communicationnelle digne de ce nom.

Nous avons besoin de communication, pas de contrôle. Pas unilatéral, en tout cas. — Car les témoignages qui se retrouveront sur cette plateforme devront bien sûr être corroborés. Et nous devrons nous assurer que cela ne soit pas la prérogative d’une entité exclusive.

En commun, nous devons avoir un système qui mette à profit l’intelligence collective et qui soit apte à faire émerger de nos rapports : connaissances, expériences, points de vue et déductions — de réelles clartés.

Cela, bien sûr, n’ira pas sans débats, querelles, enquêtes, procès, témoignages croisés. Mais ce sera mille fois mieux que les omissions, frilosités et propagandes d’antan.

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On a appris, dans une logique divisive, à prendre parti plus vite que son ombre, à tenir d’avance pour faux ou trompeur tout ce que dit « l’ennemi », à se précipiter sur des conclusions, des atteintes à la réputations, des accusations, des conflits, des coercitions — et sur la guerre, évidemment : où ailleurs pourrait donc mener la notion d’ennemi ?

On devra maintenant, dans une logique inclusive, apprendre à mettre en relation, à argumenter, à débattre, à réfléchir le complexe et laisser émerger le sens. Il y aura de tout et de son contraire, des critiques et des contre-critiques, mais, bien conçue, cette plateforme communicationnelle réticulaire pourrait nous présenter une réelle image globale détaillée et réellement nous aider à trouver et tracer en ce monde . . . nos multiples chemins.

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Il est vrai que le combat est aujourd’hui engagé entre le potentiel humain, l’humanité, et la concentration de pouvoirs colossaux en passe de les subsumer à quelque totalitarisme, technocratique ou autre.

L’enjeu de ce combat est une technique qui ne doit en aucun cas nous échapper, que ce soit de façon autonome (intelligence artificielle) ou en tombant dans les mains d’une élite totalitaire ; j’ai nommé : la technique langagière, la technique inhérente au fait de communiquer. On peut bien refuser la technocratie, tout plaquer et aller rejoindre des écovillages rustiques, mais le problème restera entier si on ne trouve pas moyen de communiquer intelligemment entre nous.

Les technologies communicationnelles informatiques ont leurs défauts, mais sont là pour rester. Nous devons nous assurer qu’elles restent entre nos mains pour nous servir — et non l’inverse. Elles doivent être nos outils, nos recettes, nos pratiques, etc. Et côté client, autant que possible. Des consoles personnelles qui nous assistent et qui parcourent le réseau qu’elles forment entre elles afin de nous présenter l’état des lieux et ce qui répond au mieux à nos besoins, demandes, souhaits et questions.

Bon, elles sont en passe de nous échapper, les belles technologies, et cette ère technocratique nous échappe déjà de maintes façons, mais tous les ingrédients sont également disponibles pour que nous puissions encore établir une fondation réellement humaine à notre monde — et ne pas œuvrer en vain !

Nous avons besoin d’infrastructures communicationnelles dignes de ce nom.

Et des écovillages, bien sûr. Tout cela en même temps !

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Cette plateforme inclusive, réticulaire et impartiale devra être plus que citoyenne — adjectif qui, avouons-le, perd fort de son lustre en régime totalitaire —, elle devra être cosmopolite. C’est-à-dire que chaque être communicant, ultimement, devra pouvoir y avoir chapitre.

C’est un grand chantier à lancer. Moi je m’y suis essayé et cassé la figure. C’est trop d’administration, trop de gestion pour ma constitution de poète.

Ce chantier, il faudra trouver ou fonder une organisation pour le mener à bien. Il est probablement déjà lancé en de multiples entreprises à travers le monde, tellement le besoin en est criant. Je vais pour ma part écrire quelques lettres à cet effet, placer quelques commentaires, écrire un roman, histoire de porter le message, à défaut d’avoir su accomplir son contenu.

Puisse La Tramice, vaillant vaisseau, mener à bon port ce message !

Mais qui donc saura financer, concevoir, implémenter, établir la légitimité d’un tel outil ?  Qui saura fédérer les multiples incarnations d’une telle idée ?  Quelle(s) équipe(s) ?

Pas moi, j’en ai peur, mais je veux bien jouer le rôle d’antenne-relais pour mettre en connexion les gens qui veulent s’y mettre, jeter un œil à leurs travaux, et éventuellement faire en ces pages un suivi de mes observations.

Communicationnellement vôtre,

Fred Lemire
alias Frédo
Fred.Lemire@LaTramice.net
Tramarade éditeur pour La Tramice

Si tu veux construire un bateau,
ne rassemble pas tes hommes et femmes
pour leur donner des ordres,
pour expliquer chaque détail,
pour leur dire où trouver chaque chose.

Si tu veux construire un bateau, fais naître
dans le cœur de tes hommes et femmes
le désir de la mer.

Antoine de Saint-Exupéry

 

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