Je suis un homme public seul au milieu de mes ombres. Et dans mes ombres, des artistes farouches, fragiles, des âmes comme des ghettos bizarres et peu invitants pour les petites âmes conventionnelles.
Les artistes se parlent à travers le temps. Ceux qui créent dans la couleur, qui entendent de la musique dans le bruit, ceux qui utilisent le mobilier urbain autrement, qui jazzent le langage, ceux qui créent de l’espace… Inventer est leur mode d’être. Digérer et lancer des signes comme des dés sur la table. Les dés forment parfois des combinaisons surprenantes, les artistes choisissent celles qui leur ressemblent. Certains s’inscrivent, d’autres laissent leurs traces dans le Zeitgeistet seront inscrits par d’autres. JEux, iD, manies-R, svb√ersions, ils communient, ils communiquent, une sensibilité qui les relie. Parfois, les amis avec lesquels ils passent le plus clair de leur temps sont morts depuis des siècles. Je te griffonne ça comme ça, sur un bout de journal trouvé dans un parc, au milieu d’une esquisse de jour, mais je ne sais pas qui tu es.
Seuls au monde et entourés d’êtres seuls au monde, nous pensons aux troncs et oublions les branches qui se croisent.
On parle un peu partout d’indépendance des peuples, souvent même de façon très stratégique, afin de trouver comment les dégager des carcans qui les enferment, mais aussi, déjà, comment les rassembler, les unir, ces fameux peuples, en actions fondatrices d’eux-mêmes.
Pour commencer, je suis le premier à être d’accord pour dire que plus petit, c’est mieux. Et en réseaux.
Mais combien plus petit ?
Et . . . si le dénominateur commun était l’individu ? Et si c’était là ce qui nous unissait ?
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Le subjectif a longtemps été mis de côté par une science qui se voulait unique de par son objectivité mais qui a négligé le fait que la réelle objectivité inclut aussi les subjectivités.
De même le moi est-il devenu, sous la plume de moralistes douteux, égoïste par nature. Et l’individu — passible d’individualisme, bien sûr, chose impardonnable !
La politique telle que pratiquée aujourd’hui dans la plupart des parlements du monde est . . . intéressante . . ., mais . . . comme il peut être intéressant de regarder par le mauvais bout d’une lorgnette ; les gens vus à travers elle semblent tellement petits !
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Si la société actuelle est si divisée, n’est-ce pas, peut-être, justement parce qu’on prend la lorgnette par le mauvais bout ? Qu’on pense ne pouvoir assurer aux individus la sécurité qu’à travers un « État », archétype du groupe uni, « civilisé » — mais aussi rendu inerte et, de là, corruptible ? Ne faut-il pas, au contraire, pour obtenir des associations qui soient véritablement libres et significatives, et surtout vivantes, partir, fondamentalement, des personnes qui en sont constitutives et tenancières et leur donner les outils de navigation et de tramage des constellations sociales de demain ?
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Dans la grande société où je m’imagine vivre heureux un jour, j’aurais un juste pouvoir sur ma vie, je pourrais, mieux qu’actuellement, y planifier mes expériences, mon parcours, bref, ma destinée. Ce serait une société de proximité où mon entourage serait le fruit de choix identiques ou réciproques. Ma vie, pour ainsi dire, y serait enchâssée dans une continuité constamment communiquée et optimisée (agencée et réagencée localement), constituée de modes de vie divers, respectueux les uns des autres et, avant tout, . . . des personnes.
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Les peuples véritables sont, il me semble, subordonnés à l’individu, aux individus, et non l’inverse. Un véritable peuple ne pourra émerger, me semble-t-il, que de la libre association d’individus qui se seront mis ou trouvés d’accord dès le départ, avant même la formation de chacune de leurs associations — et qui peuvent changer d’association ou se réagencer à tout moment.
Cette vision — qu’on pourrait appeler la façon perso — a l’avantage de pouvoir séduire la pensée que j’entends à gauche selon laquelle on ne doit laisser personne derrière — de même que celle que j’entends à droite, qui encourage la réussite individuelle.
Pourquoi d’ailleurs la réussite individuelle devrait-elle se faire au détriment d’autrui ? Il y a bien sûr d’autres façons de faire, plein de façons de faire, et du gagnant-gagnant, à part ça ! La beauté de fonder la société sur la personne, c’est que ça institue de facto une justice universelle : si on prend soin de chaque personne et de ses rêves, on la protégera du même coup de ce qui peut lui porter préjudice.
D’aucuns trouveront cela radical ; je ne les contredirai pas : je souhaite en fait voir neutralisées, voire rendues obsolètes les racines corrosives de la doctrine qui veut qu’il y ait des gagnants et des perdants : le décapant capitalisme.
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Soit dit en passant . . . On dit la droite individualiste, mais elle mène souvent à du collectivisme ! Une grosse compagnie dont tous les profits vont au sommet de la pyramide hiérarchique, cela ne vous rappelle-t-il pas, étrangement, les sociétés d’insectes ?
Et une fourmi, . . . c’est pas ce qu’il y a de plus individualiste, quoiqu’en dise la fable !
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Mais revenons à nos moutons. Les peuples qui acquièrent leur indépendance, délimités par des frontières plus ou moins arbitraires et des constituants plus ou moins passifs, accoucheront de peuples sans doute plus significatifs que la masse dont ils s’extraient, mais ils resteront compromis à proportion de leur immensité même. Autrement dit, leur unité sera d’autant plus factice qu’ils seront populeux.
Les étages décisionnels, la représentation des masses, les agglomérations, les cloisons, les comités, les sous-comités, la mauvaise communication, les tentations et les menaces venant de groupes occultes, la corruption, la dictature de la majorité pour commencer (fût-elle une majorité très forte) : autant de bris dans le tricot social qui finira à la longue par tout se détricoter et s’emberlificoter.
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Qu’il soit impératif de former une unité à aussi grande échelle est une vision qui date, telle est mon impression du moins, du temps des royaumes, lesquels avaient besoin d’armées, de champs de ci, de ça, d’industries, de main d’œuvre en masse . . .
On n’a pas besoin de tout ça pour vivre. Ça peut être beaucoup plus simple. Les fruits poussent, on les cueille, on se fabrique des maisons, on va au magasin acheter de l’encre et du papier, on échange avec ses voisins, on s’apprend des trucs, on s’amuse et on rigole comme on peut — parfois même plus —, on prend soin les uns des autres et de nos forêts, nos lacs, nos jardins, nos ateliers, nos œuvres, on communique . . .
Qu’a-t-on besoin des armées ? Des polices ? Des « gouvernements » dont l’hégémonie s’étend sur d’énormes territoires ? Qui jouent gros et dur, à leur titanesque niveau, sur la scène internationale ? (Jeu, fort malheureusement, que presque tout le monde joue, à différents degrés, en ce début de troisième millénaire qui à la fois s’éveille, prétendument, et tout aussi assurément court à la catastrophe. — Que va-t-il se passer ?)
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Même la gauche mainstream, cette gauche qui se dit pourtant progressiste, jusqu’à maintenant, a surtout maintenu l’attention sur le fait que la solution passait par le groupe, par leregroupement, et ne s‘est attardée que très discrètement, que très abstraitement, voire négativement ou de façon réductionniste, à l’individu, c’est-à-dire en tant que masse ou catégorie : « les pauvres », « les travailleurs et travailleuses », telle ou telle minorité, le peuple, etc.
J’ai peur que l’on passe ainsi — et un peu trop vite — à côté de quelque chose d’essentiel et de primordial, philosophiquement parlant : la personne.
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Les dauphins, les chiens, les éléphants sont-ils des personnes ?L’être sensible, bien entendu, est au cœur de cette primauté et mérite reconnaissance. Nous pourrions peut-être nous entendre pour entendre par le mot de personne : « être communicant » ; cela s’accorderait en tout cas avec l’étymologie du mot, car :
(. . .) « personne » vient du latin persona, terme lui-même dérivé du verbe personare, qui veut dire « résonner », « retentir », et désigne le masque de théâtre, le masque équipé d’un dispositif spécial pour servir de porte-voix.
universalis.fr/encyclopedie/personne
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Il me semble évident que les associations d’individus — entre toutes les choses qu’il est possible de faire — se doivent d’être bien faites, c’est-à-dire en ce cas par le libre et préalable assentiment des individus eux-mêmes, éclairés des possibilités imaginables et des limites empiriques.
Aller dans l’autre sens, prendre par exemple un ensemble X d’individus (vivant sur un territoire Y, mettons) et établir qu’une majorité Z dictera la norme, c’est, il me semble, rater la cible de très loin. C’est se condamner à considérer les personnes comme des troupeaux qui doivent être guidés et . . . exploités. Mais nous faisons bien plus que peupler, ici-bas ! Nous tissons, nous tressons des relations qui, mises toutes ensemble — constituent ni plus ni moins que le monde !
Nous ne percevons pas tous aussi bien cette contradiction, mais, depuis la venue des réseaux sociaux, nous la percevons de mieux en mieux — malgré les tentatives désespérées du vieux système pour se maintenir, à coups de mensonges, de propagande, de cancèlations et de frayeurs montées de toutes pièces.
Mais le vieux système hégémonique pourrait tout aussi bien se rompre net sur cette ligne de faille même, de par l’éclosion d’outils et de pratiques qui remettent l’individu au centre. Tous les individus.
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L’individu, la personne, toutes ses possibilités, finies et pourtant infinies, ses merveilleuses et tragiques sensibilités, son histoire live, n’est-ce pas ce qu’il y a de plus fascinant, attendrissant et potentiellement grandiose ?
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Il me semble bien que si on partait de l’individu plutôt que de la collectivité, on aurait une base beaucoup plus solide, d’abord plus riche, plus multicolore, mais aussi moins abstraite, et, on l’imagine, plus compatissante, plus ouverte. Évidemment, il s’agira d’informer les individus des sociétés mouvantes et clignotantes qu’ils forment réellement et potentiellement entre eux.
Tout en respectant certaines limites, il s’agit, n’est-ce pas ?, d’optimiser nos rêves (il faut bien sûr s’épanouir sans nuire à autrui ; cela demande tout de même un peu de vue d’ensemble : d’écoute, tout d’abord, de sensibilité, mais aussi d’audace, d’imagination, une certaine sobriété, une bonne diète multidimensionnelle, ainsi que de l’ingéniosité ; et s’épanouir absolument sans autrui, jamais, ce serait quand même un peu dommage, non?) ; de répondre aux besoins, avant toute chose ; puis de voir aux souhaits ; nous regrouper sciemment et fluidement selon des paramètres établis par chacun et chacune de nous ; que nos choix, incidemment, ne nuisent pas à autrui, aux autres communautés ni à l’environnement . . . ni à . . . (De combien de règles d’or avons-nous besoin, au fait ?)
La façon perso, hein ? — Une approche qui change de l’individualisme ironique !
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Mais admettons un instant que cela serait, nos enfants continueront encore quelque temps de naître dans des sociétés qui ne leur ressembleront pas nécessairement et ils se retrouveront dans des situations assez semblables à celles que nous connaissons actuellement, avec leurs structures préétablies et tout ce qui en découle : frustration, exclusion, rébellion, etc.
C’est pourquoi, je pense, il faut garantir à tous, et dès l’enfance, une immunité individuelle inaliénable. Ce serait le rôle de l’école ou de l’asternelle d’offrir un lieu propice à l’exploration, à l’orientation et à l’expérimentation auprès de guides-accompagnateurs. S’assurer aussi que les outils de navigation, protocoles, langues, codes et interfaces, ce dont est tissé le monde de l’ère communicationnelle, soient bien compris et maîtrisés par chacune et par chacun.
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Renverser la tendance. Plutôt que de nous apprendre à obéir — d’abord aux parents, puis aux professeurs, puis aux employeurs, le tout constamment encadré par les lois écrites et non écrites —, si, au lieu de ça, nous nous apprenions plutôt à découvrir les possibilités qui nous sont offertes, selon nos aptitudes naturelles, nos rêves et nos aspirations, capricieuses comme profondes ?
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En Islande, en Écosse, au Québec et en France, un peu partout de par le cosmos, on tripe sur l’idée d’écrire des constitutions.
Je me demande si on a déjà — sûrement que oui, à travers tout le Cosmos ! — songé à établir dans une constitution la nécessité d’un solide système de communication qui permettrait de soutenir chaque individu dans la construction et les métamorphoses de sa vie ?
Nous sommes ingénieux. Ce n’est pas un défi au-dessus de nos forces que d’établir un tel système ; ce pourrait même être généralement fort agréable !
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Bien sûr, les habitants d’un même territoire — d’une même planète, mettons — devront se mettre d’accord entre eux quant à l’utilisation des ressources et au maintien de la santé de l’environnement à tous niveaux.
Imaginons un instant une « ère communicationnelle » où il y a des outils autodocumentés que des êtres divers et changeants utilisent pour optimiser leurs interactions et l’usage de leurs ressources, lieux d’habitation, etc. ; où chacun-chacune peut littéralement concevoir son propre environnement durable ; où l’on est également en mesure de naviguer aussi librement que possible entre ces environnements ; et où, dernières mais non les moindres, des écoles et des « retraites » fournissent des lumières quant à l’élaboration, adaptée pour chacun et chacune, de voies menant à n’importe quel⸱le : environnement, activité, personne ou chose, existant⸱e ou possible.
Je pense en fait que si chaque environnement, aussi local et aussi unique puissions-nous l’imaginer, était littéralement choisi par ses constituants, chacune et chacun d’entre eux, et ne causait pas de dommage aux autres environnements — la règle d’or appliquée aussi aux associations et aux communautés —, on se sentirait bien mieux sur cette planète.
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Aussi onirique que ce portrait puisse sembler en ce monde d’aujourd’hui qui semble aller à sa ruine, est-ce que l’idée d’un monde communicationnel et émergent n’est pas à tout le moins une avenue intéressante à hardiment, sérieusement, considérer et tenter ?
En fait, si nous ne nous entre-détruisons pas complètement avant d’arriver à le mettre en place, ce monde communicationnel, nous disposons sans doute, sur cette planète particulière du cosmos, de beaucoup, beaucoup de temps pour perfectionner et diversifier une sorte de permaculture multidimensionnelle intégrée, émergente, ouverte, viable, globale, sans oublier bariolée, veillant à l’innovation, au maintien, à la rescousse, à la contemplation . . .
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Les véritables peuples sont unis. Les véritables peuples foisonnent et sont divers. Ils ne sont pas nécessairement grands et se trouvent d’ailleurs mieux petits. Ils s’associent et se réassocient constamment ; ils évoluent, librement, diversement. Solidement et fluidement. En toute intégrité, en toute conséquente fluidité éclairée. Bien sûr, ils doivent se communiquer, disposer d’outils communs, ou du moins d’un « protocole d’arrimage communicationnel » . . . c’est-à-dire, à la base, se parler et s’écouter, tout simplement.
Il m’apparaît comme une évidence qu’il serait en fait très intéressant de nous doter d’un système qui veillerait au bien-être et au développement de chaque individu, de lui tendre la main, de l’aider au maximum dans son autodétermination, son développement, ses forces et ses loisirs. Plus, si affinités.
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L’arrivée de l’internet a ouvert une fenêtre sur une ère de nouvelles possibilités sur le plan des communications. Il faudrait peut-être s’empresser de saisir cette occasion pour retisser la société par la base à l’aide de ce puissant outil — avant que la fenêtre se referme !
Cela peut se faire sans l’internet, bien sûr (et ça serait sans doute moins rasoir, tiens : un internet en carton ?), mais le feu est pris dans la baraque et une solution rapide doit être prise. Les temps sont plus que mûrs !
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Tout système aura contre lui sa propre étroitesse. Mais un système qui vise le bien-être de tout individu peut-il être appelé étroit ? N’est-ce pas au contraire l’élargissement que tout individu attend ? À quand une belle unanimité là-dessus ?
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Il est dans la nature du « pouvoir sur » de dominer, de contrôler, de standardiser, d’uniformiser, de limiter, de robotiser, bref, de déshumaniser afin de pouvoir utiliser, voire détruire, jeu auquel il n’y a pas vraiment de gagnants. Nous pouvons faire bien mieux que cela en cultivant et libérant le « pouvoir de ».
Un certain « pouvoir » s’est concentré dans les mains de quelques-uns. Mais le pouvoir est une chose à réexaminer. Qu’est-ce exactement ? Qu’est-ce, sinon ce que nous pouvons de meilleur ? Mais bien sûr !
Il s’agit donc, individuellement et collectivement de trouver comment. — Essayons, à tout le moins !
Cinq minutes s’étaient écoulées depuis que j’étais sorti de la station de métro McGill, me demandant quelles surprises me réservait cette marche nocturne. Il fumait une cigarette et surgit à ma gauche, d’un pas sans direction. Il me demanda si je parlais anglais. Ralentissant ma cadence, je lui répondis calmement que oui. Il me dit à quel point il était soulagé ; que je parle anglais, car il venait de telle ville et de telle province anglophones ; et aussi que je ne l’aie pas repoussé, geste dont il avait été à répétition la victime durant les dernières heures qu’il venait de passer sur les rues de Montréal. Il me demanda si je vivais ici. Je dis que oui. Il m’exposa quelle impression d’accablement cela lui faisait, cette apparence de froideur et de manque de gentillesse des gens d’ici, qui l’avaient ignoré ou encore lui avaient enjoint de se trouver un emploi, comme s’il était un itinérant ordinaire. Je dois admettre qu’il me faisait un peu cette impression même, sauf que son visage et ses vêtements noirs étaient trop propres, sa voix trop claire et posée. Une voix plaisante à écouter. Il me raconta qu’il était habitué à sa ville de trente mille habitants et qu’il avait été un honnête citoyen qui avait travaillé durant la majeure partie de sa vie ; qu’à cause de cela il n’éprouvait aucune honte à quémander de l’argent maintenant qu’il était dans le besoin. Il me confia à nouveau, avec ses dents noires et sa langue éloquente, à quel point il appréciait qu’une personne, enfin, s’arrête et l’écoute.
Nous nous installâmes sur le trottoir, du côté de la rue, tandis que les yeux de l’homme perdaient de leur lassitude. Nous échangeâmes une poignée de main. Son nom était Mike et le mien était Sam. Sa main n’avait pas enveloppé la mienne comme font les bonnes poignées de main ; à la place, ses doigts avaient agrippé ma main au-dessus du pouce. Pendant qu’il commençait à me raconter son voyage (de sa ville natale à ici), l’impression bizarre demeurait sur ma main. J’écoutai sincèrement son histoire. Il dit que ça lui avait pris dix heures et sept autobus pour arriver jusqu’à Montréal et qu’il devait trouver un certain établissement médical dans cette ville. Il divagua un moment à propos des établissements médicaux de Montréal, regardant à gauche et à droite avec une nervosité croissante. Lorsqu’il fit une pause, je lui dis que j’en savais très peu sur les hôpitaux tels qu’ils existent aujourd’hui, puisque je n’avais jamais eu recours aux médecins ni à leur médecine. Il sourit et me dit qu’il avait vécu tout pareil… jusqu’à maintenant. Sa condition présente demandait qu’il donne suite à une prescription médicale ; c’est alors qu’il produisit une feuille de papier remplie d’une élégante calligraphie à l’encre bleue et de quelques chiffres, dont certains étaient encerclés et surlignés. Pendant qu’il m’en indiquait quelques-uns du doigt et m’expliquait qu’il lui manquait 28,46 $ pour se procurer les médicaments prescrits, je contemplai ses deux petites dents jaunes et noires très irrégulières, plantées sur une gencive inférieure rose et noire qui s’agitait de haut en bas tandis qu’il m’expliquait sa situation. Il pointait et retournait la feuille dépliée sous nos têtes. Je me demandais comment ce devait être pour lui de manger. Il me dit que le mieux que le gouvernement pouvait faire pour lui en ce moment était de lui payer l’hôtel pour cette nuit ainsi que son transport jusqu’à Boston, où on effectuerait une chirurgie spéciale sur son corps. Il dit qu’il devait se faire enlever une tumeur. Sans hésitation, Mike releva son polar et sa chemise, révélant sur son ventre la plus grosse difformité que j’ai vue de ma vie. Chaotique, elle était plus grosse qu’une tête et en avait étrangement la forme. La tumeur présentait les mêmes creux et bosses que s’il y avait un énorme crâne oblong à l’intérieur de ce ventre. Celui de Mike. Il me dit que la tumeur avait consumé une part significative de ses intestins. Il me dit que ce genre de chirurgie échouait dans 70% des cas. L’espace d’un instant, une vague de tristesse passa dans ses yeux, lesquels reprirent rapidement leur ferme détermination. Il ramena notre attention au papier marqué de plis, ses doigts retrouvant le 28,46 $ cerclé de jaune au milieu de la page. C’était tout ce qu’il lui manquait pour survivre cette nuit-là. Il m’expliqua — entre autres choses dont je ne me souviens pas — que, dans moins d’une heure, s’il ne prenait pas la médication prescrite, son corps tomberait en paralysie. Je compris à ce moment-là pourquoi il portait un bandeau noir. La meilleure des raisons, en fait, tout à l’opposé de celle qu’on aurait pu croire à première vue — que ce type d’environ quarante ans faisait parti d’un gang de rue qui ne se vêtissait, sournoisement, que de noir. Non. Il avait le cancer. Un cancer de la taille d’une tête, grandissant dans ses tripes, faisant la guerre à son hôte, mon interlocuteur, Mike.
Mon sac à dos avait été ramené sur l’avant depuis quelque temps déjà, appuyé sur mon ventre, et ma main attendait, prête à y plonger en quête de mon portefeuille. L’honnêteté de la voix, la sincérité de la personne, sans mentionner la bosse maintenant apparente sous ses vêtements, cela avait suffi pour que je décide de donner à cet homme ce dont il avait besoin. J’ai toujours été généreux de mon argent, parfois jusqu’à la naïveté ; je me trouve heureux chaque fois que cela m’obtient un sourire, qu’il soit trompeur ou véridique. D’une façon ou d’une autre, cela les rend heureux, c’est ce que je me dis. Mike continua de parler un moment de moyens de transport et de sa situation, sans oublier de mentionner que son gouvernement allait rembourser toutes les dépenses de son voyage pour sa survie, nommément les 80 000 dollars américains que coûtait sa chirurgie, même s’il n’avait que 30% de chances d’y survivre. Tandis que je lui donnais un billet vert de vingt dollars et un mauve de dix, je lui demandai de ne pas me renvoyer l’argent une fois qu’il serait remboursé, mais de le donner à quelqu’un qui en aurait réellement besoin, comme lui en avait besoin maintenant. Il me fit également le cadeau de reconnaître que l’argent n’était pas la seule chose dont il avait besoin ce soir-là, en acceptant sincèrement une accolade en plus de l’argent. La plus précieuse partie de notre rencontre était la connexion. Nous nous serrâmes les mains. Il me dit, en puisant les mots dans son cœur et en agitant les rectangles de plastique vert et mauve que je lui avais donnés, que l’argent était moins important pour lui que toute l’écoute que je lui avais accordée après cette nuit dans les rues hostiles de Montréal. Nous nous fîmes un beau calin en guise de reconnaissance, une de mes mains retenant mon sac et une des siennes se tenant près de son ventre déformé, deux bras enserrant fermement deux corps à moitié étrangers. Nous échangeâmes un bref regard, une douleur se faisant sentir là où mon corps avait touché la tumeur de Mike. Je plaçai une main sur la douleur et l’autre sur le cœur de l’autre homme, et imaginai de l’amour guérissant dans nos corps. Je gardai mes yeux fermés, nous guérissant tous les deux. Après un moment, sa main vint se poser sur la mienne en signe de chaleureuse et aimable reconnaissance. Il me dit merci. Il voulait continuer. Je ne m’en rendis pas compte, mon corps étant si submergé, que mon esprit n’était pas tout à fait clair et présent. Quelques mots sourds avec l’intention d’atteindre l’autre, mais lancés dans les airs, suivis d’une seconde accolade semi-intentionnelle et j’étais parti.
Je marchais sur l’air, heureux d’avoir pu venir en aide à un de mes frères, sautillant de temps en temps, m’arrêtant pour toucher un arbre ou parler aux gens sur mon chemin vers la maison. C’était une longue marche. Tout en marchant, je me demandais pourquoi je n’avais pas conté à Mike ma propre histoire de la soirée. Pourquoi j’étais sorti du train sur un coup de tête trois stations avant la mienne, un coup de tête que je ne m’expliquais pas à moi-même, tellement elle était illogique ; pourquoi, sur un second coup de tête, j’avais traversé la rue du côté opposé à celui qui menait le plus directement chez moi, encore une fois pour aucune autre raison que celle de suivre l’impulsion du moment. Sans ce carpe diem, je n’aurais jamais rencontré Mike sur le trottoir. Je voulais revenir sur mes pas en courant pour lui dire tout ça, pour qu’il sache que l’univers était avec lui.
Sur le dernier droit menant à la maison, je réalisai que la partie la plus importante de ma sortie n’avait pas été d’aller visiter une boutique de tatouage et un restaurant hawaïen ou de bavarder avec des gens sur le trottoir. Le moment le plus important de mon petit périple avait été ma rencontre avec Mike. Je lui avais peut-être bien sauvé la vie cette nuit-là avec un simple trente dollars ; mais ce dont il avait le plus besoin était sûrement un peu de gentillesse, une oreille attentive pour l’écouter. La preuve qu’il allait se tirer vivant de son cancer et aussi le courage d’y arriver. J’aurais voulu marcher avec lui jusqu’à la pharmacie ; peut-être allait-il avoir besoin d’assistance pour que son anglais soit bien compris si la personne au comptoir ne parlait que le français. Une chose était claire, cependant. Mike avait eu besoin d’un ami à ce moment effrayant de son existence. J’aurais voulu être resté plus longtemps, plutôt que de réduire la distance entre mon dos et mon lit. Il m’avait remercié en utilisant mon nom à un moment donné : « Thank you Samuel ». Je ne me rappelle pas avoir prononcé le sien une seule fois, même si je me souvenais que c’était Mike. Le meilleur avait été presque atteint, mais fut perdu dès l’instant où mon esprit perdit son focus sur le moment présent. Mon nouvel ami, loin de chez lui, avait besoin d’un ami, il avait besoin qu’on l’écoute, mais il avait aussi besoin d’échanger : prendre, donner, prendre, et ainsi de suite. J’avais seulement donné, écouté, donné, puis m’en étais allé. Mais la pièce manquante à ce « donner » était de partager. Nous avons manqué l’occasion d’une conversation entre amis. Elle me manquait, en ce moment de réalisation — en ce moment où il était désormais impossible de la faire naître.
Carpe diem s’en serait souvenu, il aurait honoré le tout nouvel ami et aurait voulu goûter du fruit de cette nouvelle amitié. Tout n’était pas perdu, cette nuit avait été bonne. Seulement, cela aurait dû être mieux ; un mieux à jamais perdu, maintenant. C’est tout ce que je pus faire à ce moment. Et c’est ça qui compte, et je m’aime pour ça.
Julian leva les yeux de son rapport annuel d’impôts. Un son inattendu avait vibré, juste là, tout près. Ça tenait à la fois d’un bruit de haute tension électrique et de celui d’une fermeture-éclair qu’on ouvre. Et, effectivement, à environ un mètre et demi devant ses yeux ébahis flottait, sans support apparent, une espèce de braguette trans-dimensionnelle contrastant nettement avec le mur derrière elle.
L’ouverture s’agrandit, ondula, et Julian vit avec stupeur une sorte de pieuvre-mutante en sortir avec quelque difficulté. La créature épousseta ses tentacules et en tendit diplomatiquement un vers Julian. Trop incrédule pour avoir peur, Julian le prit et le serra tout aussi courtoisement.
— @∑•··Ÿ ¿, dit la créature.
— … Moi de même !?, hasarda Julian.
— ! hÄ, FrañssÉss ?, se ravisa la créature.
— Mon nom est Julian, dit Julian, en espaçant bien chaque mot.
— MóÂ, c’ëSt Bü-Ww, dit la créature en rejetant coquettement ses cheveux sur le côté.
— … !!!
Bü-Ww promena un regard curieux aux alentours, fit quelques … « pas » dans la pièce, jaugea sommairement le mobilier, gratta pensivement une de ses nombreuses aisselles et revint tranquillement vers Julian.
— Comment s’appeler, ici ? (Nous vous ferons grâce un instant de son insupportable accent.)
— Emm… La Terre ! …La planète Terre ! …
— Non, pas ce niveau, pas planète. Où, ici ?
La créature frisa trois tentacules dans un geste semi-circulaire que Julian interpréta comme voulant désigner la pièce.
— Euh… c’est ma chambre… 13, Barcley Street, cinquième éta…
— Non, non !, s’énerva franchement Bü-Ww en bondissant d’impatience, « Où ICI ? Quoi nom ? »
Cette fois-ci, la créature fit un geste plus large, étendant ses tentacules avec exaspération aussi loin qu’elle le pouvait en faisant de grands cercles.
Julian hésita.
— La Terre tourne autour du soleil, dans le syst…
Notre pieuvre mutante trépigna, se mit à gonfler les joues et à noicir d’une façon menaçante ; elle crispa deux tentacules devant elle et mima, en miniature, et très intensément, presque rageusement, un Big-Bang suivi de plusieurs milliards d’années.
— Bon, bon !, s’apeura Julian. « Le plus que je puisse dire, c’est qu’on est … dans le cosmos, l’univers, le… l-la… — enfin… »
La créature se calma, recouvra sa teinte gris-vert et prit même un air aimable, puis sortit de nulle part un petit calepin écorné et se mit à en tourner patiemment les pages ; chacune d’entre elles était chargée de colonnes de hiéroglyphes soigneusement tracés. Bü-Ww produisit un crayon, le tailla minutieusement avec son joli bec nacré et se mit à écrire avec application.
— Ú-ñÑÍ-vëHrrrs. Vô-Âh-lâhhH !
Bü-Ww hocha la tête avec contentement, referma son carnet, l’empocha — remonta dans la fente et lança un joyeux « Mëërtsi bÿôkWoo ! », avant de se zipper dans l’au-delà.
On est beaucoup, de petites chenilles Petites chenilles rampant sur cette Terre Petits cœurs de papillons pas encore éclos Petites chenilles recroquevillées Qui n’attendent que de s’ouvrir pour respirer Inspirer, expirer enfin l’océan de lumière Celui qu’on cache à l’intérieur Celui qu’on découvre avec la clé du cœur
On est beaucoup On se sent petits On est timides Alors on file notre cocon Parce que c’est facile, la sécurité On coconne et on s’y plaît Dans notre petit duvet de plumes On coconne tant et tellement Qu’on y reste Qu’on en devient prisonniers On en oublie même, souvent, de muer Pour dévoiler notre papillon caché
Mais assez déconné, assez coconné Ouvrons l’antenne Écoutons l’Univers qui nous parle Cocons, Muons Communions..
Commu-nions ? Nions ? Non non non Nier c’est avoir peur, peur d’être vrai Ne nions pas.. Niquons plutôt, c’est bien plus fun Ça reproduit, ça crée Entre milliards de chenilles, tant qu’à s’occuper Tant qu’à coconner, tant qu’à muer
En papillons Achevons l’évolution ! Laissons-la exploser, notre lumière Muons, niquons, procréons Com-Mu-Niquons ! Laissons se déverser notre lumière intérieure Communiquons, échangeons, partageons Procréons Laissons-nous fondre les uns dans les autres Pour briller plusieurs, pour briller plus fort Et créer plus fou Sur cette Toile vide tendue dans l’Univers Laissons onduler les lumières Laissons-nous nous rencontrer, petites chenilles en fleurs Nous pénétrer, nous transformer Grandes vagues de couleurs Laissons l’Univers nous élever En formes et en cœurs, ensemble créer L’Aurore Boréale de l’Humanité[:]
[:fr]N.B. Les propos tenus dans le présent article ne reposent sur aucune théorie en particulier, sauf la mienne. Ils reflètent les conclusions que j’ai tirées de mes vingt-cinq ans de pratique professionnelle en tant que psychologue et d’une longue pratique personnelle de la spiritualité telle que je la décris ici.
Chaque jour, chacun et chacune de nous entretient une relation avec lui- ou elle-même, communique avec des semblables et tisse des liens avec son entourage. La plupart du temps, cependant, nous n’en sommes pas pleinement conscients.
L’objectif principal de cette chronique, mettant aujourd’hui l’accent sur les aspects psychologiques et spirituels de la communication, vise à nous sensibiliser sur l’importance de demeurer attentifs à tout ce qui se passe en nous et autour de nous, si nous voulons réellement communiquer avec notre entourage et cultiver ainsi de belles relations qui enrichiront notre vie.
Par aspect psychologique, j’entends tout ce qui sous-tend, concerne et forge notre personnalité, c’est-à-dire les circonstances de notre naissance, le personnage qui nous tient lieu d’identité, ses attributs, les rôles qu’il joue et les comportements qu’il émet par l’entremise de l’ego* pour développer notre individualité et nous permettre de devenir « quelqu’un » (nos ambitions, intentions, perceptions, dispositions personnelles, notre psychisme, nos attitudes, sentiments, émotions, connaissances, croyances, valeurs, comportements) et les liens qu’il tisse et entretient avec son entourage, entre autres via le langage.
* Ego : constructions et perceptions mentales qui portent l’humain à se mettre au centre de tout.
Quant à l’aspect spirituel, il ne réfère pas, ici, à l’expression d’une quelconque religion qui aurait pour but de nous élever hors du monde matériel et de nos sens — niant l’ici-bas pour un au-delà —, mais plutôt à l’êtreté, c’est-à-dire au simple fait d’être là, en pleine conscience, dans l’immédiateté concrète de notre corps et de la réalité de ce qui nous entoure, mais sans identification à l’ego, donc sans mots, sans buts, sans calculs, sans jugements de valeur, sans à priori, dans l’aperception la plus complète de ce qui est et dans une grande compassion à l’égard d’autrui.
L’aspect psychologique correspond à l’horizontalité de notre personnage, lequel se démène au sein d’un espace-temps bien défini afin d’atteindre ses buts. L’aspect spirituel, lui, correspond à la verticalité, assimilable à un moment de grâce ou de plénitude où le temps s’arrête et se creuse pour créer un nouveau mouvement, intérieur — vertical —, provenant des profondeurs de notre être conscient d’être là.
Dans le présent article, j’aborderai globalement la communication — soulignerai son importance — et évoquerai quelques-unes de ses composantes, ainsi que certaines des difficultés qui lui sont inhérentes.
Pourquoi s’intéresser à la communication ?
Parce que la communication constitue un phénomène absolument fondamental du point de vue social et spirituel. Elle est le prétexte ou, si on préfère, l’ingrédient de base, le moteur et parfois même la finalité de nos relations.
Pour parler de la communication du point de vue psychologique (ou social), j’emploierai le terme « communication intentionnelle » et, pour traiter de la communication du point de vue spirituel, j’utiliserai indifféremment l’une ou l’autre des expressions suivantes : « communication directe » ou « communion ».
Sans communication intentionnelle, il n’y a pas de société possible, car sans échanges avec autrui, il n’y a pas de regroupements : pas d’affiliations politiques, culturelles, professionnelles ou sportives ; pas de rencontres amicales, amoureuses ; pas de vie familiale, pas d’argumentations, de négociations, de mises au point et de remises en question ; pas de prises de conscience, de mea culpa, d’accords ni d’ententes, donc pas de progrès personnels.
Sans communication directe, sans communion, il n’y a aucune chance de connaître l’amour inconditionnel (qui ne se vit qu’en l’absence de l’ego), d’éprouver de la compassion et de ressentir une joie durable. Sans communion, donc, impossible de faire l’unité avec soi, avec l’autre, avec le monde dans lequel nous vivons ni, à fortiori, avec l’univers, le cosmos !
Communiquer intentionnellement, que ce soit pour informer, sensibiliser, se distraire, exprimer ses sentiments, chercher à convaincre, à s’affirmer, à mieux se comprendre ou même pour converser tout simplement, est un acte quotidien qui implique au moins deux personnes (un émetteur et un récepteur), un message, un lieu et un lien (ou canal de transmission).
Communiquer directement, communier, peut se faire seul(e) (de soi à Soi*) ou avec d’autres, possiblement (et d’autant mieux) dans le plus grand silence. Seules sont requises : l’attention bienveillante, la présence (à soi et aux autres) et la conscience.
* Soi : le Soi avec une majuscule, c’est notre nature essentielle, qu’on peut aussi appelée Être, Essence, Présence, Âme…. C’est ce qui existe et veille sous notre personnalité.
Notons ici que la communication directe détruit la cloison entre les niveaux du psychologique et du spirituel, en ce sens que la communion entre deux êtres se vit sans ego, dans l’acceptation inconditionnelle de l’autre. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans d’autres articles.
Toute communication, qu’elle soit intentionnelle ou directe, présente deux aspects : un contenu et une relation.
Ce qu’il y a de propre à la communication intentionnelle, c’est que notre message, en plus de transmettre de l’information, est motivé par une intention et induit un comportement.
La communication directe, elle, se fait spontanément, souvent en l’absence de mots, et sans viser de buts.
L’information (en ce qui concerne la communication intentionnelle) et l’amour (en ce qui concerne la communion) sont le contenu (le message), tandis que la manière dont nous transmettons ou recevons le message et les conditions dans lesquelles nous les transmettons constituent la relation.
La communication intentionnelle idéale a lieu entre personnes psychologiquement saines et bien intentionnées qui échangent adéquatement, dans des conditions optimales, sur un sujet précis, dans le but de trouver une solution, d’arriver à une entente ou d’améliorer la compréhension du sujet en question ou des personnes en présence.
La communion des êtres se produit spontanément, sans à priori.
La communication est un processus complexe
Bien communiquer, que ce soit socialement ou spirituellement, n’est pas toujours simple, même entre personnes bien intentionnées.
Les obstacles peuvent survenir
de l’émetteur,
du message,
des circonstances dans lesquelles il est transmis,
du receveur,
et de la relation entre l’émetteur et le receveur.
Notons ici que les obstacles à la communication directe procèdent d’un manque d’êtreté (défaut d’être là en toute conscience), donc d’un manque d’attention, d’un manque de lâcher-prise, d’un manque de simplicité ou d’un manque d’amour.
Limites des interlocuteurs (émetteur et receveur(s))
Lors d’une communication intentionnelle, les interlocuteurs, même s’ils sont bien intentionnés, peuvent présenter plusieurs lacunes ou traits de caractère nuisibles à une bonne communication.
Ces problèmes sont susceptibles de se retrouver autant chez l’émetteur que chez le(s) receveur(s).
Nous parlons ici de problèmes intrapersonnels.
Ces derniers peuvent être d’ordre
physique : indispositions, difficultés d’élocution, problèmes auditifs, sous l’effet de l’alcool, de narcotiques ou de stupéfiants, etc. ;
intellectuel : manque de connaissances, de vocabulaire, de jugement, etc. ;
culturel : présence de croyances, préjugés, racisme, etc. ;
psychologique : manque de confiance en soi, de flexibilité, d’ouverture, troubles anxieux, paranoïdes, dépressifs, mégalomanie, névrose, etc.
En ce qui concerne la communion, les difficultés viennent toujours de l’incapacité de l’un ou de l’autre des interlocuteurs de vivre pleinement l’instant présent sans à priori.
Problèmes provenant du message
Le message peut susciter peu d’intérêt chez l’un ou l’autre des interlocuteurs, il peut manquer de clarté, de pertinence, de transparence, être biaisé, incomplet, partisan, trop long, mal défini, etc.
En ce qui concerne la communication directe, il peut y avoir absence de message, c’est-à-dire absence d’amour.
Problèmes provenant des circonstances dans lesquelles est transmis le message :
Le moment ou le lieu de l’échange peuvent être inadéquats, le temps alloué trop court, l’acoustique peut être mauvaise, il peut y avoir présence de bruits ou d’éléments perturbateurs, etc.
Problèmes relatifs à la relation entre l’émetteur et le(s) receveur(s)
Il s’agit ici de problèmes interpersonnels.
Les empêchements interpersonnels peuvent correspondre à des différences de point de vue, à des antipathies naturelles ou au contraire à une trop forte attirance ; ou encore à des circonstances défavorables : existence, entre les interlocuteurs eux-mêmes ou entre des membres de leur famille ou de leurs amis, de souvenirs ou de traumas dus à des expériences antérieures désagréables ou à des luttes de pouvoir. Les empêchements interpersonnels peuvent aussi résulter de la mauvaise foi de l’un ou l’autre des interlocuteurs, de leur manque de réceptivité, d’empathie, d’ouverture, d’amour, de conscience.
La conscience constitue, selon moi, le ferment essentiel de toute vraie communication.
Nous avons ici tracé les grandes lignes des communications intentionnelle et directe. Dans d’autres articles, nous étudierons plus à fond certains aspects de l’une ou de l’autre de ces formes de communications.[:]